Messages : 1847 Date d'inscription : 19/05/2011 Age : 36 Localisation : Dans les couloirs
Eliza Garnier
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| Sujet: Eliza Garnier, Directrice particulière Lun 10 Juin - 16:54 | | Elizabeth Marie Diana Garnier Alsbach SURNOM » Eliza, Lili (mais seuls son père et Emerick l’appelaient ainsi). ORIENTATION SEXUELLE » Hétérosexuelle ÂGE & DATE DE NAISSANCE » 1er Août 1988 ORIGINE » Franco-Allemande GROUPE » Educateur, Directrice et professeur de littérature.
ELIZA OU MOKONA COMMENT ÊTES VOUS ARRIVÉ ICI » J’ai contribué à la création de ce chef d’œuvre, je suis l’alpha et l’omega… Bref je suis la fondatrice avec ses poneys, ses cookies et son fouet ! UNE REMARQUE » J’adore le staff, j’adore les membres. Le monde est rose poney. PRÉSENCE » Je suis toujours derrière vous *kof kof* . CODES » Codes Validés par Eliza Garnier. | CAS PARTICULIERS ALSBACH FORTUNE PERSONNELLE » Eliza est l’héritière de la fortune Alsbach. Elle possède la demeure principale et l’ensemble des biens de son défunt patriarche. Avant son départ pour la France qui suivit le décès de Klaus, elle a cédé l’ensemble de sa fortune. Elle a maintenant un salaire cent fois plus modeste, la plupart de ses revenus contribuent à la prospérité de l’académie.
PROFESSION » Directrice et professeur de littérature de Akademie Alsbach
LIENS FAMILIAUX » Eliza déteste les membres de sa famille ou au moins se méfie de ceux qu’elle connait peu, par instinct de survie. Ses plus grands conflits l’opposent à Ulrich, l’héritier déchu et Magda, la garce de compagne de Dirk.
VIE SOCIALE Eliza a un profond dégoût pour sa "famille" qui semble être responsable de tous ses malheurs. Elle se méfie également de leurs ambitions et de ce qu'ils pourraient faire pour récupérer le manoir. Elle est prête à leur mener un combat sans merci s’il le faut…
En ce qui concerne les pensionnaires, elle essaye d'être attentive aux besoins de chacun et souhaite qu'ils trouvent en ces lieux l'épanouissement qu'elle n'a jamais elle-même réussi à avoir. Elle a un attachement particulier pour les Palette ainsi que certains élèves issus de l'orphelinat qu'elle sait affectés par les évènements. Elle tente quand même d'être juste et bienveillante avec l'ensemble des occupants et est très intriguée par la mystérieuse Rumeur vivante, dont elle est la seule à connaitre l'existence.
Ayant été proches d'eux durant son séjour dans le manoir, Eliza attend un respect et une grande politesse envers le personnel qu'elle estime essentiel à la bonne marche de l'académie, elle les surveille tout de même car certains restent attachés à « l’autre » branche. Elle souhaite également que ses collègues se sentent à l'aise afin que les élèves bénéficient d'un enseignement de qualité, elle recherche une certaine complicité avec eux pour l’épauler dans cet ambitieux projet. | DESCRIPTION PHYSIQUE Eliza avait toujours été plutôt satisfaite de son apparence, bien qu’elle ait une certaine insatisfaction envers la partie fessue de son anatomie, bien trop cambrée à son goût et qui renvoyait davantage à ses origines maternelles, pas qu’elle n’apprécie pas grandement le patrimoine génétique de sa mère, surtout en repensant à la figure de Klaus Alsbach ! Sa taille pouvait autant être un handicap qu’un atout. Du haut de son mètre cinquante-cinq (sans avoir le vertige), elle pouvait habilement se faufiler par le moindre interstice, telle une souris, mais elle était également victime de la célèbre blague « Efface si tu peux » affectionnée par les pensionnaires. Dans ces grands moments de solitude, qui faisaient la joie de ses élèves, elle paraissait minuscule perchée sur une chaise.
Cependant, Mademoiselle Garnier n’était pas qu’une figurine dotée d’une cambrure. Des cheveux bruns mi- longs, lui arrivant aux épaules, avec une frange qui lui masquait le front et les sourcils complétaient l’ensemble. Elle avait de grands yeux bleus profonds qui s'accordaient avec sa peau pâle mais qui pour elle était comme une cicatrice en travers de son minois, comme si son héritage sali lui explosait au visage à travers cette couleur. Ce bleu qui plaisait tant, parfois la transperçait comme pour lui rappeler d’où elle venait. Dès qu'elle était contrariée, une ride se dessinait en travers de son front exprimant ainsi sa désapprobation pour les plus observateurs même lorsque le reste de son visage restait impassible.
Sa plus grande satisfaction restait sa taille fine et ses formes féminines notamment un assez joli décolleté que sa mère lui avait transmis, de quoi détourner des objets de ses mécontentements. Enfin, elle possédait des jambes assez harmonieuses qui lui donnaient une démarche plutôt gracieuse, la danse n’avait pas été inutile, et certains disaient sensuelle, mais il ne faut jamais faire totalement confiance à un homme en phase de séduction.
DESCRIPTION PSYCHOLOGIQUE Névrosée, intransigeante, attachante, sadique, obéissante, attentionnée, indulgente, les adjectifs n’ont cessé de parsemer l’histoire de la directrice et certains lui collent encore à la peau. De façon générale, Eliza représente la femme de caractère.
De premiers abords, son visage est plutôt froid et inexpressif. Elle n'aime pas sourire pour rien, ni avoir la faiblesse de laisser vraiment entrevoir ses émotions, les plus attentifs la verront se mordre les lèvres pour contrôler ses élans émotifs. Elle cultive donc un air neutre mais pourtant son visage rond lui donne un côté enfantin et réveille, surtout chez les hommes, une envie de continuellement la taquiner ou de la prendre pour moins féroce qu’elle n’est. C'est là qu'à leur grande surprise, elle ne se laisse absolument pas faire et réplique avec calme, cynisme et sarcasme.
Au-delà de ce masque, elle possède une viscérale envie d'aider les autres, comme un besoin de résoudre les problèmes des autres. Elle aime rendre service sans que cela se remarque. Eliza pense que son travail d'éducatrice colle avec cette idée d'entraide et d’accompagnement. Elle aime apprendre aux élèves, les voir évoluer et changer, en clair donner du sens à ceux qui n’en ont plus. Cependant, elle prend ses distances avec eux à cause de son passé douloureux, les élèves ont tendance à rouvrir ses blessures anciennes. C'est une véritable vocation chez elle et une nécessité, elle a toujours eu ça dans le sang. Elle attend également beaucoup de ses collègues, parfois elle se modère car elle a l’impression de considérer les autres comme des bouées de sauvetage.
La jeune femme apprécie que les choses soient bien faites. Cette exigence, elle l'applique avant tout à elle-même. Perfectionniste, elle semble souvent porter le poids du monde sur ses épaules et se répète comme un mantra les paroles de son père « Ce qui ne te tue pas te rends plus fort ». Celui-ci lui a aussi donné le goût de du travail et du mérite dans l'effort, c'est pour cela qu'elle est en guerre permanente contre la fainéantise, le laxisme et les élèves qui gâchent leurs capacités.
Mademoiselle Garnier cumule aussi quelques bizarreries et problèmes récurrents. Elle lit les livres la tête en bas. Parait-il que ça aide à avoir une meilleure concentration… En tout cas, il n’est pas rare de la voir appliquer cette technique dans des lieux parfois inappropriés tels que sa salle de classe ou son bureau. Elle rêve régulièrement, parfois plusieurs nuits à la suite, de l'accident de voiture qu'elle a vécu quand elle avait dix-huit ans. Le bruit des pneus, la voix d’Emerick et la tôle qui se tord hantent ses cauchemars. Elle se réveille alors en sursaut, hagarde et serre compulsivement son oreiller dans ses bras, ou tout autre objet, personne qui se trouve à sa portée.
Elle aime lire. Les livres sont sa vie. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle a choisi de devenir professeur de littérature, bien que la tragédie vécue ait aussi motivé son choix. Elle est aussi une véritable amoureuse de cinéma surtout français. Eliza est très sensible aux films d'auteurs. Elle apprécie énormément parler régulièrement les langues vivantes qu'elle connait : L’anglais et le français, elle se contrait à l’allemand car elle n’a pas le choix. Toutes les occasions sont bonnes pour s’exprimer dans une autre langue. La musique la passionne. Elle a pratiqué étant jeune la danse classique. La jeune femme passe souvent ses soirées à lire des livres en écoutant de la musique douce pour l'apaiser avant de s'endormir, malheureusement rien ne semble pouvoir apaiser ses terreurs nocturnes. | HISTOIRE Après presque deux ans parmi les pensionnaires, l’histoire de Mademoiselle Garnier compte nombres d’évènements marquants. Cependant, on sera sans doute plus intéressé par le fait de comprendre comment une jeune femme, qui n’avait que haine et dégoût pour le pays où elle s’est établie, a pu s’y installer alors que tout joue contre elle. Masochisme ? Esprit de contradiction ? Malédiction familiale ? Peut-être insouciance ?
La principale intéressée se mordrait sans doute la lèvre avant de vous dire qu’il y a sans doute un peu de tout cela dans sa démarche, bien qu’elle ne soit pas superstitieuse outre mesure. Ceci dit : elle croit aux revenants !
Difficile de savoir par où commencer dans une histoire aussi déconcertante, le mieux serait de parler du retour au manoir, le nœud du problème.
Des cartons à défaire, de l'agitation dans chaque pièce et l'odeur de la poussière des années passées qui se mêlait à celle âcre du brûlé. Eliza se maudissait mais en même temps elle n'avait pas vraiment d’autre alternative. Elle n'aurait jamais pu laisser les enfants sans un toit et puis c'était, d'une certaine façon, une revanche contre son passé et envers Klaus. Elle frissonna en repensant aux raisons qui l'avaient poussée à renier son serment. Revenir en Allemagne était possible mais revenir au manoir Alsbach tenait de l'ordre du surnaturel. D’ailleurs, c’est son notaire qui avait fait une tête digne de faire le tour du net. Eliza n’avait jamais vu un visage aussi décomposé, croyant qu’on se moquait de lui voire indigné de toute sa vie.
Elle pénétra dans son bureau, qui sentait encore la peinture fraiche. Elle s’approcha du tiroir du haut et fouilla dans les papiers qui commençaient déjà à s'empiler dessus, signe d’une mauvaise habitude qui débutait. Parmi eux, il y avait la lettre qui avait tout déclenchée et qui n’avait plus aucun sens aujourd’hui.
" Mademoiselle Garnier,
Nous avons pris connaissance de votre dossier qui a retenu toute notre attention et nous serions ravis de vous proposer un poste dans notre établissement. Veuillez trouver ci-joint le dossier à compléter et les informations qui vous permettront d’accéder à l’orphelinat. Nous vous attendons le XX/XX/20XX
Cordialement. Les directeurs."
Malgré ses appréhensions et mue par une folie furieuse, elle avait accepté. L'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle était bondé, ce jour-là. C’était à se demander si cette foule n’était pas là pour l’entrainer dans son flot. Les passagers se bousculaient avec leurs bagages et au milieu de cette populace, qui se dépêchait, Mademoiselle Garnier devait paraitre avoir un comportement suspect. Elle ne semblait pas pressée et trainait même les pieds, si elle avait pu traverser le hall à reculons sans avoir l’air ridicule, elle l’aurait sans doute fait. Elle réfléchissait et se demandait encore une fois si se rendre en Allemagne et accepter ce poste dans un orphelinat était une bonne idée, elle aurait peut-être dû trouver la réponse avant de partir. Ce pays ne lui avait apporté que de mauvaises choses, beaucoup de souffrance et de malheurs, elle était donc bien inconsciente et masochiste. Tous les malheurs liés à ce pays avaient commencé bien avant sa naissance. Elle fermait la marche des déboires Alsbach-Garnier.
Pour comprendre comment tout avait commencé, il fallait remonter plus loin. Il fallait d’abord se pencher sur sa grand-mère et la guerre. Pas n'importe quelle guerre, la Seconde Guerre Mondiale, un conflit marqué par le lien franco-allemand. Elle avait eu son lot d'atrocités si marquantes dans le devoir de mémoire actuel et à la veille de la libération de la France, Rosalie Garnier, jeune femme de vingt-ans à peine, fut violée par un allemand. De cette action répugnante et forcée, naquit neuf mois plus tard un enfant. Elle quitta ce pays qui l'aimait tant et où elle avait eu du mal à protéger l’enfant qu’elle portait en elle, ainsi que sa propre existence. Elle partit en Angleterre car là-bas elle savait qu'elle pourrait mieux l'élever. Elle eut donc un garçon qu'elle prénomma Antoine. Cette jeune femme, grande à la peau pâle et aux yeux marron intense, eut de nombreux prétendants mais elle ne put jamais être autre chose qu'une mère pour son fils en raison du traumatisme. Les Alsbach n’en étaient pourtant car leur première marque sur les Garnier… Lorsque ce fils exceptionnel eut vingt et un an, il persuada Rosalie de se rendre à nouveau en France alors que lui était nommé comme secrétaire à l'Ambassade à Paris. Un garçon brillant et fierté de sa mère, comment lui refuser quoi que ce soit.
Ce grand brun aux yeux bleus et aux cheveux en bataille avait connu quelques aventures sentimentales mais rien ne l'avait enclin à se ranger, pourquoi s’engager quand vous trouvez toujours quelqu’un pour occuper votre temps libre. Un matin, alors qu'il était une nouvelle fois en retard, il chut emportant dans son élan son habitude de bachelor et surtout Emma qui se mit à hurler et lui asséna un coup de sac à main sur le crâne. Le jeune homme après s'être longuement plaint de l'attitude sauvage de la femme, leva la tête et se fut ce que l'on appelle le coup de foudre, il attendait presque la musique en fond sonore et sentait sa tête prendre une expression qu’il aurait trouvé stupide en temps normal. Ils échangèrent un sourire, sans doute niais et après qu'il lui eut expliqué qu'il ne voulait pas lui voler son sac, elle s'excusa de l’impulsivité qui la caractérisait depuis toujours.
Il la contempla et ce fut comme une évidence, il n'aurait pas su dire pourquoi. Il avait déjà fréquenté des filles châtains aux yeux verts, elle était mignonne mais pas éblouissante dans sa robe rose avec son petit béret et les escarpins assortis. Un stéréotype de la parisienne qui l'aurait fait sourire en temps normal mais là tout en elle lui semblait merveilleux. Il l'aida à se relever et constata qu'elle était petite et menue.
Tout s’enchaina très vite. Six mois plus tard, ils s'installèrent ensemble, se marièrent et eurent dans l'année un enfant, le seul et unique. C'était une petite fille adorable qu'ils appelèrent Elizabeth, en mémoire des multiples origines qui les caractérisaient ses trois pays d'origine : Allemagne, France et Angleterre, Marie, donné par sa mère et Diana choisi par son père en l'honneur de la terre d'accueil de son enfance.
Rien ne semblait entacher ce bonheur de famille aisée et accomplie. En y repensant, Eliza était soulagée que sa grand-mère se soit éteinte en ces temps paisibles et remplie de fierté de voir sa petite fille adorée et « si » brillante entrer au lycée.
Un an plus tard, alors qu’Eliza descendait du bus, un collaborateur de son père se trouvait devant sa porte. Elle fronça les sourcils et pesta contre ses parents. Sans avaient-ils décidé de transformer la dernière mission de son père en un week-end en amoureux, l’adolescente avait l’habitude que cet ami de la famille l’héberge lorsque cela arrivait. Ils étaient adorables mais ils n’avaient pas le sens des priorités et puis elle avait un gala de danse dimanche, qui allait l’applaudir et l’aider à se préparer.
Si seulement cela n'avait été qu'une de leurs escapades habituelles... Malheureusement c'est un attentat dans leur hôtel qui les empêchait d'être auprès de leur fille sans lui avoir dit les mots qu'on aimerait dire quand on sait qu'on ne se reverra plus. Un malheureux concours de circonstance pour ce couple qui avait toujours su se tirer de situation délicate et qu’elle pensait invincible.
Leur dernière conversation tournait souvent dans sa tête. Elle voulait le scooter qui lui était dû, un vespa turquoise qu'elle avait vue en vitrine avec des chromes étincelants et le casque assorti orné de papillons noirs, elle en avait des étoiles dans les yeux rien que d'en parler. Elle était convaincue qu’elle méritait de l’obtenir, bien installée dans sa zone de confort. Son père lui avait rappelé le dernier caprice auquel il avait cédé, un nouveau téléphone portable hors de prix et avait refusé. Quant à sa mère, rien que le fait d'imaginer sa précieuse fille sur cet « aimant à accidents » lui faisait venir les larmes aux yeux, elle était vraiment trop sensible. Eliza avait pesté et les avaient traité d'antiquités puis les avaient embrassés avant de partir en leur disant qu'elle les aimait malgré tout et ils lui avaient répondu par la réciproque. Pour elle, cette journée habituelle valait toutes les grandes phrases du monde, un petit sanctuaire face à la suite de sa vie.
Le jour de ses seize ans, elle traversa le hall en marbre d'une immense demeure en Bavière loin de toute civilisation, loin de son pays natal et de la tombe des trois êtres qui lui étaient chers face à un homme qu'elle exécrait. Un vieillard d'environ quatre-vingt ans, cheveux clairsemés, corps fatigué et noueux, les yeux bleus qui rappelaient chaque jour à la jeune fille le crime qui entachait sa famille adorée disparue. Il lui parla dans un mélange dissonant d'allemand, anglais et français dont elle compris l’essentiel. Son « grand-père », Klaus, celui qui s'était donné le droit de prendre les faveurs de Rosalie, avait réussi à la retrouver et allait faire d'elle son unique héritière. Elle serait digne de l’honneur qu’il lui faisait en peu de temps, autant qu’elle s’y fasse.
Sa solitude commença alors. Les domestiques la servaient mais, dans les yeux de certains, elle pouvait lire que ça leur coûtaient de s'occuper de la petite enfant illégitime de la famille et ce qu'ils pensaient d'elle en tant qu'héritière de cette illustre maison. Ils étaient le reflet que ce que pensait les membres du reste de cette noblesse allemande et bientôt ses camarades de classe dans un sinistre lycée privée les rejoindraient sur ce point. Elle avait détrôné l’héritier choisi, elle allait payer.
Eliza était méprisée et sans valeur aux yeux de ses enfants richissimes et qui estimaient le mériter. Elle songea qu’elle devait à ses parents de ne pas être à leur image, cette idée devint sa force. Il était d'autant plus difficile de se lier d'amitié qu'elle ne parlait pas couramment allemand. Elle passait donc son temps libre à la bibliothèque à essayer de combler ses lacunes et s'abreuver de littérature française. Les journées étaient interminables.
Un jour, elle eut sa première vraie discussion avec son professeur de littérature, Emerick. Il voulait le livre qu'elle était en train de lire pour préparer le prochain cours. Il était resté figé devant le spectacle de cette adolescente qui avait les pieds sur le dossier de la chaise et la tête à même le sol, il ne serait pas le dernier. Dans les souvenirs adolescents d’Eliza , il était beau, grand et brun aux yeux verts. Il semblait toujours heureux, doux et attentionné. Il connaissait tellement de choses et l'avait prise sous son aile pour les lui enseigner. Il avait commencé par l'aider en allemand et petit à petit une complicité était née. Il comblait sa solitude. Il était devenu son but.
La jeune fille en tomba évidement follement amoureuse, comment aurait-il pu en être autrement. Même s'il était son professeur, lorsqu’on est jeune on a que des convictions. Il était tellement parfait que même ses petits défauts le rendaient encore plus fantastique, la perfection incarnée.
Quand Eliza rentrait le soir à la maison, plus rien n’était important. La maison, le vieux grincheux et les regards de ceux qui rêvaient de s'approprier son héritage n'existaient plus. La vraie vie commençait avec Emerick. Son cœur battait tellement fort quand elle le sentait si proche. Cet amour à sens unique la faisait pourtant souffrir, elle prit son courage à deux mains et lors d'une séance de discussion à la bibliothèque, elle lui avoua ses sentiments. L'homme lui fit un long discours moralisateur qu’elle n'entendit pas. Elle fixait ses lèvres mais il n'y avait aucun son qui lui parvenait. Elle l'embrassa brusquement et il ne parvint pas à la repousser. Leur amourette clandestine commença.
Une fois Eliza majeure, ils ne se cachèrent plus. Elle avait planifié ses études à l'université Cologne et Emerick avait pris un poste de professeur de lycée dans la même ville. Ils seraient enfin un couple comme les autres, loin de l’ambition alsbachienne.
Eliza ne comptait plus les soirs précédents son départ qu'elle passa dans le bureau à entendre son grand-père hurler contre cette mésalliance, ce qui était risible pour une bâtarde. Ni l’intimidation, un parti plus avantageux, un poste plus valorisant ou l’argent n’eurent raison d’Emerick. Étrangement, le soir avant son départ, Klaus devint souriant, ouvrit une bouteille de champagne pour fêter son départ et lui demanda si elle avait bien préparé ses affaires. Prise d'une angoisse, elle demanda le lendemain au taxi de la conduire chez son fiancé plutôt que de le rejoindre à l'aéroport comme il était convenu au départ.
Rassurée de le voir toujours prêt au départ, elle prit la route avec lui. Une nouvelle vie allait commencer. Brusquement, dans un tournant, la voiture sembla zigzaguer, Emerick perdit le contrôle et ils heurtèrent un arbre sur le bas-côté, malgré les efforts désespéré du jeune homme. Elle sentit qu'on la sortait du véhicule, elle ouvrit péniblement les yeux et vit la voiture explosée. Elle se détendit pensant qu’Emerick avait pu l’amener à l’écart du véhicule. Elle leva les yeux et comprit que l'homme qui la ramenait vers une voiture garée plus loin n'était pas son bien-aimé, bien qu’elle ne sache de qui il s’agissait, sa vue était brouillée. Le blason sur la portière lui fit comprendre ce qu’il venait de se produire, elle perdit conscience. A son réveil, le vieil homme était à son chevet et lui expliqua qu'elle avait des contusions mineures, que par chance un couple les avait vus au moment de l'accident, mais que malheureusement elle était la seule survivante. Elle ferma les yeux, serra les dents, prit une décision qui ne la quitterait pas et sourit avec un petit air triste à ce meurtrier en face d'elle. Elle attendrait son heure et ne pleura qu'une fois qu'il eut quitté la chambre.
Un mois plus tard à peine une crise cardiaque rendit justice au disparu et laissa Klaus à moitié mort. Un matin, elle revint de l'université appelée par le médecin en urgence car il n'en avait plus que pour quelques heures. La chambre était remplie d'appareils d'aide respiratoire, pour la tension et une intraveineuse. Elle s'assit sur le lit où trônait ce mourant qui avait perdu toute sa superbe. Il lui dit un petit sourire aux lèvres qu'il partait heureux puisqu'il avait racheté la faute son acte envers Rosalie et qu'il avait fait d'elle la digne héritière de son nom, visiblement la logique de cet homme échappait à la moralité humaine. Elle se pencha alors vers lui, il haletait, son souffle semblait sur le point de se briser à chaque instant. Elle lui murmura qu'elle savait pour Emerick, qu'elle allait renoncer à tout et qu’il assistait avant de mourir à son échec. Elle se leva, il tenta de lui retenir le bras, le visage crispé par la douleur et l'effroi mais elle se dégagea sans peine et quitta la chambre alors qu'il rendait son dernier souffle.
Après la mort de Klaus, toute la famille vint rendre les hommages dus à la seule héritière, maitresse de leur destin. Eliza accomplit sa vengeance et prit un immense plaisir en annonçant qu'elle venait de finir de faire don de la totalité de l'argent et des biens de Klaus. Ils devinrent fous de rage face à cette petite bâtarde qui leur arrachait leur patrimoine. La jeune femme s'en moquait. Elle retournait en France pour y terminer ses études et ne reviendrait jamais.
Elle finit par devenir professeur de littérature en mémoire d'Emerick qu'elle ne put oublier. Cela lui laissa un goût amer par rapport aux relations enseignants et élèves mais elle surmonta la chose car le professorat était sa vocation. Alors qu’elle cherchait un poste et elle fut contactée par un orphelinat pour sa maîtrise de l'Allemand et ses origines françaises. La jeune femme hésita longtemps. Accepter le poste signifiait retourner en Allemagne mais elle n'en avait vraiment pas envie.
Ses vieux démons s’éloignaient lorsqu'un brasier, d'origine inconnue, réduisit en cendres sa confiance retrouvée. Devant l'urgence de la situation, elle avait contacté le notaire chargé de surveiller le manoir et entreprit les démarches nécessaires pour faire du manoir une académie. Cela lui avait valu d'être promue Directrice, titre dont elle ne tirait aucune gloire mais dont elle pressentait qu'il allait lui apporter de nouveaux ennuis. Une fois de plus malheureusement ses craintes s'étaient confirmées et elle se retrouvait à nouveau prisonnière du poids de la famille Alsbach. Elle savait que le combat ne faisait que commencer et qu'elle allait devoir protéger cet endroit à tout prix. Quelle ironie! |
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